Résister à la foi: indifférence religieuse, agnosticisme et athéisme

Question ou objection

De nombreux récits témoignent, dans une circonstance de mort imminente, du passage dans un tunnel dont l'extrémité est illuminée d'une vive clarté. On peut y voir une ouverture sur un au-delà.

Réponse

Quand l'activité du cerveau est perturbé, les aires visuelles produisent spontanément des formes géométriques. C'est l'organisation et le fonctionnement du cortex visuel qui est ainsi reflété, ce qui n'a rien à voir avec la révélation d'un au-delà.

J'ai l'intense sentiment de vivre sous la bienveillante protection d'un ange gardien. Je sens bien que quelqu'un veille sur moi.

Vous avez le sentiment d'avoir généralement de la chance. Par contre, les habitants des bidonvilles du Bangladesh ne doivent pas voir souvent des anges passer. Les anges ont leurs chouchous. Pourquoi ce privilège par rapport à ceux qui ont de la poisse ? Faut-il comprendre qu'une importante partie de l'humanité doive vivre sous la malveillance de démons ?
Je propose de rechercher des explications plus naturelles. Si votre caractère est inquiet ou pessimiste, vous avez tendance à comparer les événements qui vous arrivent à ceux que vous craignez. Vous avez alors le sentiment d'avoir de la chance. Ou peut-être avez-vous simplement la lucidité d'apprécier la chance que vous avez.
En ce qui me concerne, j'espère sincèrement que le déroulement de ma vie ne dépende pas d'êtres spirituels, bienfaisants et malfaisants, qui jouent à se tendre des escarmouches, comme dans de mauvais contes pour enfants.
Au sujet de l'amour divin, voir: Dieu est-il bon ou paradoxal ?

Puisque la foi nous permet de vivre mieux, peu importe qu'elle soit vraie ou non. C'est le résultat qui compte: je vis plus heureux dans la perspective d'un bonheur éternel.

L'argument qui vaut pour un témoin extérieur devient inopérant pour la personne concernée, car dès qu'elle prend conscience qu'elle ne se préoccupe plus de la vérité, sa foi perd de sa force, et l'espoir faiblit. Transformer l'incertitude en vérité absolue et vivre selon des attentes irréalistes sont des formes de mensonges dont l'effet placebo ne saurait fonder le bonheur.

Avec la perspective du Jugement dernier et la menace du purgatoire ou de l'enfer, le croyant perçoit la mort comme un évènement à l'issue incertaine, donc hautement dramatisé. L'athéisme apporte une vision plus apaisante: la mort est un événement naturel dépourvu d'enjeu. Une tranquillité d'esprit plus propice au bonheur est accordée à ceux qui font confiance à la raison. Par contre, croire que la foi est supérieure à la raison condamne à l'inquiétude religieuse ici bas. La paix est repoussée dans l'autre monde et réservée aux élus.

Voir Surmonter la peur de la mort

Une religion est vraie parce que chaque croyant désire sincèrement qu'elle soit vraie. Ainsi, toutes les religions sont vraies.

Le besoin de croire est fondé sur le principe suivant: «La religion que je pratique est la vraie parce que je désire de tout coeur qu'il en soit ainsi». Il s'agit là d'un aveu de parti pris qui nuit au crédit de l'argument.
Ce sont les religions des autres qui sont fausses. Puisque les autres sont majoritaires, chaque religion est déclarée fausse par le plus grand nombre. La diversité des croyances révèle leur caractère arbitraire masqué par le conformisme religieux qui s'impose au voisinage immédiat de chaque croyant.

Lire De la probabilité qu'une religion donnée soit vraie

Du respect envers les religions

Les êtres humains ont droit au respect, sans exception. Par contre, toutes les idéologies et toutes les croyances peuvent être soumises à la critique selon des critères de rationalité et de respect des Droits humains. Par exemple, l'athée peut critiquer l'islam comme le musulman peut critiquer l'athéisme.

Est-il offensant de s'attaquer à un symbole religieux ? À titre d'exemple, considérons le blasphème. Pour prendre de la distance, imaginons une religion qui révère le Grand Lapin Bleu et qui a décrété, entre autres, qu'il est interdit de représenter le «Grand Lapin Bleu» sous peine d'être lapidé. Faudra-t-il dès lors lapider tous les humains qui ont dessiné un lapin bleu ? Mieux vaut prendre des mesures préventives :

  • des boîtes de crayons de couleurs, les bleus doivent être retirés;
  • dans les écoles, il faut enseigner que les animaux ne se dessinent qu'avec de toutes petites oreilles, ou sans oreille du tout.

La question de fond consiste à comprendre et admettre qu'il est permis de vivre et d'évoluer dans une autre bassin culturel que le sien, avec cependant une restriction de taille : les religions et les cultures ne sont pas équivalentes, car on peut évaluer la façon dont elles respectent les Droits humains et la liberté religieuse.

Et jamais on ne peut demander à quelqu'un, croyant ou non, de se soumettre à des règles confessionnelles qui ne sont pas les siennes.

C'est le destin, c'était écrit

Celui qui croit au destin n'a pas besoin de regarder à gauche et à droite avant de traverser la rue. En effet, si ça n'est pas écrit, aucun véhicule ne va le renverser et il ne risque rien. Par contre, si c'est son destin, même en regardant à gauche et à droite, il sera surpris par un accident. Prendre des précautions, se protéger, tout cela ne sert à rien. La fatalité le surprendra quoiqu'il fasse. Il ne porte pas la responsabilité de ce qui lui arrive. C'est très commode, car il est ainsi dispensé de se faire du souci.

Dans l'opérette La Belle Hélène de Offenbach, Hélène trompe son mari, le roi Ménélas, avec cet argument libératoire «C'est la fatalité». On en rit, car le recours à un destin inéluctable n'est légitime que face à des évènements sur lesquels on n'a aucune prise. Mais, du point de vue d'Hélène, c'est bien le cas puisqu'elle attribue la situation à la volonté des dieux. À chacun son rôle : aux dieux la responsabilité, à elle la jouissance de la vie.

Certaines personnes ont un comportement à risque : sports extrêmes, prise de drogues, vitesse au volant, etc. Lorsqu'on tente de les mettre en garde contre le danger, un argument est fréquemment avancé : «s'il est écrit que je dois mourir maintenant, je ne pourrais pas échapper à mon destin; dans le cas contraire, je ne risque rien». Il s'agit d'une variante de «C'est Dieu qui décide» comme au jeu de la roulette russe.

La croyance au destin est attractive, car elle déresponsabilise et écarte la peur. Malheureusement, elle ne protège pas de la bêtise. En suivant le raisonnement, vous pouvez prendre les risques que vous voulez, même tenter de vous suicider : si ce n'est pas votre heure, vous vous en sortirez indemne. On parie ?

La raison nous incite à repérer les éléments sur lesquels nous pouvons agir pour améliorer notre sort, et à rester indifférents à tout ce qui dépasse notre champ d'action. Nous ne sommes pas complètement impuissants, et notre avenir dépend au moins partiellement de notre comportement. Nous avons donc une part de responsabilité envers nous-mêmes.

Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Pourquoi sommes-nous sur la terre ? Quel est le sens de la vie ? Pourquoi tant de souffrances dans le monde ? Pourquoi le mal existe-t-il ?

Le mot «Pourquoi» a plusieurs sens distincts:

  • une exploration, la recherche d'une explication possible, la curiosité scientifique, etc;
  • une explication ultime et définitive dans la certitude de la Vérité Première.

Si la première attitude doit être encouragée, la seconde est désespérée et stérile. La question «Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien» s'applique aussi à l'existence de dieux. Pourquoi existerait-il un dieu bienveillant à notre égard ?

«Faut-il donc savoir tant de choses ?
Que deviennent les plus beaux jours ?
Où vont les premières amours ?
Où vole le parfum des roses ? [...]
Ignorer n'est-il pas plus sage ?»

[Henri Meilhac et Philippe Gille, Manon]

Pourquoi nous est-il si difficile de reconnaître que nous n'en savons rien ? C'est rageant de ne pas connaître le fin mot de l'histoire et nous aurions souhaité un monde meilleur. Mais sont-ce des raisons suffisantes pour promouvoir une histoire mythique au rang de vérité absolue afin de bâtir une explication ultime ? Je préfère penser que «Savoir qu'on ne sait pas est le début de la sagesse».

Notre existence n'est pas une énigme à comprendre, mais une opportunité à vivre.

Je ne peux pas accepter que l'homme ne soit qu'un animal.

La nature animale de l'homme n'est guère contestée. La question porte sur ce que l'homme possède de spécifique par rapport aux autres animaux. Une partie du problème peut venir du mépris à l'encontre des animaux, sentiment qu'il est nécessaire de réprimer.

La vision occidentale traditionnelle accorde à l'homme une essence humaine qui le place dans une position complètement séparée de la nature. La Tradition nous enseigne qu'un profond fossé sépare l'homme de l'animal : alors que l'homme possède une âme immortelle, l'animal n'en a pas. Ajoutez à ceci l'injonction de la Genèse «Dominez la terre, soumettez les animaux», celui qui a reçu un tel enseignement doit refuser de n'être qu'un animal.

Aujourd'hui, les sciences construisent une nouvelle manière d'envisager la nature. Nous partageons 98 % de notre code génétique avec le chimpanzé. Nous découvrons que les animaux possèdent de nombreux processus cognitifs semblables aux nôtres. Dans l'arbre du vivant, l'homme n'est qu'un petit rameau dans l'immensité de l'arborescence. Toute l'évolution des sciences montre une continuité entre l'animal et l'homme : usage d'outils, fabrication d'outils, culture, conscience de soi, etc. Il n'est, dès lors, plus insultant d'être qualifié d'animal.

«La révolution darwinienne sera achevée lorsque nous abandonnerons notre arrogance [...], admettant qu'Homo sapiens n'est qu'un rameau minuscule, né d'hier à peine, sur l'arbre de vie luxuriant.»

[Stephen Jay Gould]

Nous ne disposons d'aucun indice sérieux nous indiquant que l'homme soit un être surnaturel, c'est-à-dire produit par l'intervention d'un esprit, selon un processus différent de l'animal. La dimension spirituelle existe, mais elle est subjective. La nature n'est pas notre environnement, car nous en faisons partie. La signification du mot «animal» doit être étendue et enrichie afin que l'homme y trouve place. Peut-être accepterez-vous de dire que «l'homme est un être naturel» ?

Si, comme alternative, vous pensez que l'homme est un esprit extraterrestre en séjour d'épreuve sur Terre à cause de la malédiction du péché originel, vous vous situez dans le registre du conte fantastique.

Je préfère une fleur naturelle et périssable à une fleur immortelle, séchée ou synthétique, mais je reste pantois devant ceux qui disent préférer une fleur à la fois naturelle et immortelle. Répondre avec ses tripes est irréaliste. Celui qui se plaint que les pierres sont trop dures, je le qualifie d'hurluberlu. Les croyants s'imaginent un monde fabuleux et enchanté où le Christ est ressuscité et où ils vivront éternellement dans un divin bonheur.

Penser que la recherche de l'immortalité est vaine est une idée ni moderne, ni liée à l'athéisme, comme le montre un des plus anciens textes connus  l'«Épopée de Gilgamesh». Notre beauté n'est pas celle du diamant, mais celle d'un être sensible qui peut aimer et penser, le temps d'une vie.

Seule la crainte de Dieu peut tenir les hommes dans le droit chemin. C'est pourquoi l'athée est amoral.

Au Moyen Âge, pour prévenir les atteintes aux personnes et aux biens, on agitait la menace des pires supplices. Mais la dissuasion était limitée puisque la misère poussait aux larcins et qu'il était courant de voir les voleurs faire des prières pour éviter de se faire prendre. Maintenant, on sait que la menace, l'intimidation et la répression à elles seules sont des mesures à l'efficacité limitée, comme on peut le constater aujourd'hui encore dans la lutte contre la drogue.

Jusqu'il y a peu de temps, la pédagogie populaire considérait que seule la peur des châtiments corporels incite les enfants à bien se conduire. Aujourd'hui, il est réprouvé de maltraiter les enfants. On a maintenant une autre conception de l'éducation.

Croire que seule la crainte de Dieu et la peur de l'enfer peuvent tenir les hommes dans le droit chemin est une vision simpliste, partielle et réductrice de l'humanité. C'est une bien triste image de ne voir que la face égoïste de l'homme. Il importe d'avoir de soi-même une opinion moins méprisable.

Au contraire, c'est une attitude répandue que d'être respectueux pour être respecté et aimable pour être aimé. Vivre en société nécessite du respect, sans quoi la situation devient invivable pour tous. Il n'est pas nécessaire d'adhérer à une religion pour s'en rendre compte. En ce qui me concerne, je ne veux pas vivre dans un monde régi par la force brute, et je m'engage pour la défense des droits humains.

L'homme étant un être individuel et social, il est à la fois égoïste et altruiste, défendant son intérêt propre et le bien commun, mais ni totalement égoïste, ni totalement altruiste. Chacun atteint une position intermédiaire d'équilibre. Dans la lutte pour la survie, la coopération apporte des avantages et tient un rôle aussi important que la compétition. Conscient de sa dépendance à la société, l'individu se sent obligé de reporter une partie de ses préoccupations vitales vers le bien commun. Cette disposition d'esprit, qui résulte de la sélection naturelle, est au fondement de la morale. Il me paraît un peu court de penser que l'athée est dépourvu de morale puisque la morale existe en dehors des religions.

Il est aujourd'hui avisé de cesser de croire à la valeur éducative des sévices et d'accorder à l'homme plus de respect, plus d'éducation et plus de confiance. Bref, je préfère croire en l'homme qu'à l'enfer. L'humanisme véritable n'est pas religieux.

Je suis à peu près athée

Certaines personnes m'ont déclaré être «à peu près athées» parce qu'elles doutaient de l'existence de Dieu. Mais non, cette position est celle de l'agnosticisme, pas de l'athéisme.

D'autres personnes se disent agnostiques, tout en faisant partie d'une Église et en participant à des cultes au-delà du simple respect des conventions sociales. Il s'agit là d'un état intermédiaire entre la croyance et l'agnosticisme véritable.

Il m'apparaît que peu de personnes peuvent se définir d'une manière cohérente. La majorité se distribue sur un large éventail de positions intermédiaires mal définies. En naviguant de doutes en hésitations, l'on passe aisément d'un contresens à une contradiction. C'est un état ordinaire de ceux qui ont été enfumés.

Ma définition de l’athéisme

Étant donné qu’il existe plusieurs variantes d’athéisme, je vais préciser ici le sens que je donne à ce terme.

L’athée ne croit pas au Dieu-juge, c’est-à-dire qu’il rejette la séquence de croyances « L’être humain possède une forme de survie ; à sa mort, il est jugé, puis récompensé ou puni ». Ainsi, si Dieu existe et si quelque chose de nous survit après la mort, ce qui n'est pas établi, il n'y a pas lieu de croire que Dieu nous attribue des bons et mauvais points pour nous récompenser ou nous punir dans l'au-delà.

Cette définition ne se prononce pas sur l’existence d’un Dieu créateur et peut être compatible avec le panthéisme.

Par contre, elle disqualifie la morale de rétribution. Ainsi, elle exclut aussi les religions qui, sans parler de Dieu, annoncent des réincarnations, avec ou sans cycles, qui dépendent du comportement moral ; il m’arrive d’appeler cette croyance le « Dieu-juge implicite ».

Ma position personnelle va cependant plus loin que cette définition puisque je ne crois à aucune forme de survie après la mort, ce qui simplifie grandement toutes ces questions philosophiques. Pour le dire, j'utilise l'expression « version forte de l'athéisme ».

L'athéisme est une croyance tout à fait semblable à une croyance religieuse.

Le présent article fait suite au document De l'agnosticisme à l'athéisme via le principe de simplicité, mais peut être lu comme une rubrique indépendante.

Vous semblez confondre «Croire que Dieu n'existe pas» et «Ne pas croire qu'un dieu existe». L'athéisme consiste simplement à considérer comme infondée toute croyance à une ou plusieurs divinités. Il faut d'abord se mettre d'accord sur le sens des mots. Une force créatrice intéresse les philosophes, mais beaucoup moins les simples mortels. Le Dieu dont nous parlons ici soupèserait nos actes, les enregistrerait dans son infinie mémoire, nous jugerait, se laisserait influencer par des cérémonies ou des prières et nous sanctionnerait selon la juridiction de nos religions respectives. Dans une autre culture, mais dans le même registre, après une réincarnation, la forme du nouveau corps (végétal, animal ou humain) dépendrait de notre mérite.

À contrario, certains athées croient en un Dieu créateur qui ne nous juge pas. Ils pensent que les attributs du Dieu de la bible ont été imaginés par l'homme à l'image des rois. Notre comportement n'ayant aucune conséquence dans l'au-delà, nous pouvons complètement ignorer Dieu. Ma position personnelle est un peu différente: au-delà de la physique, on peut imaginer tout ce que l'on veut; il n'y a aucune raison de choisir une éventualité pour y croire. L'athée ne nie pas nécessairement l'existence de Dieu mais, dans toutes les variantes, il range définitivement toute divinité dans les oubliettes. En résumé, l'athée est «celui qui vit sans dieu».

Il ne s'agit pas d'établir que Dieu n'existe pas, mais seulement que la probabilité de l'existence d'un Dieu personnel est trop faible pour qu'il y ait un intérêt à s'investir en religion, et plus faible encore pour un Dieu qui nous aurait dicté des directives. Les éventualités qu'on ne peut exclure par une preuve sont si nombreuses et variées qu'on ne peut raisonnablement miser sur l'une d'elles. L'athéisme est aussi la prise de conscience que personne - aucune force supérieure consciente et pleine de compassion - ne s'occupe de nous. Au pari de Pascal, le jeu n'en vaut pas la chandelle. L'athée renonce à miser et s'éloigne de la table de jeu des croyances; il juge plus utile et plus constructif d'investir son temps et son énergie dans le domaine laïque. La sagesse consiste à se détacher des utopies, c'est-à-dire à pratiquer l'indifférence religieuse.

Il est incongru d'assimiler l'athéisme à une religion. Entre l'incroyance et un système de croyances, la dissymétrie est totale. L'athéisme est un acte de foi extrêmement compact puisqu'il se réduit à dire non à la religion. Cela n'a pas grand chose à voir avec une religion dont la description nécessite au moins un livre et, plus habituellement, toute une bibliothèque.

La croyance nécessite un credo, et l'athéisme n'en a pas. Là où le croyant affirme que son Dieu est le vrai et que les autres sont des usurpateurs, l'athée ne voit partout que des illusions. Il vaudrait mieux dire: l'athéisme, ainsi que chaque religion, est une idéologie.

L'athée n'appartient pas à une Église, c'est-à-dire à une communauté spirituelle guidée par des pasteurs ou des chefs. Il se conçoit comme un être indépendant et autonome.

Pour user des termes «foi» et «croyance» à propos de l'athéisme, il faut d'abord avoir vidé ces mots de leur contenu religieux. Malheureusement, ceux qui les utilisent en sont souvent incapables. C'est pourquoi je préfère parler de «convictions athées». Alors que le croyant a pour but de croire le plus fermement possible, l'athée veut renforcer son opinion qu'il faut cesser de croire.

L'athée n'a pas la prétention de détenir la vérité absolue directement dictée par Dieu lui-même. Il se satisfait des modestes lumières de la raison humaine. J'ai toujours enseigné des mathématiques athées. Ainsi, chaque fois que j'ai dit «3×1=3», j'ai volontairement omis de mentionner l'exception «3×1=1» pour le mystère de la Trinité. L'athéisme est, avec l'indifférence religieuse, un moyen de nous soustraire à l'impérialisme des religions qui prétendent dicter, non seulement notre comportement, mais aussi nos pensées.

Alors que le fidèle se soumet aux commandements de sa religion pour éviter l'Enfer et atteindre le Paradis, l'athée demeure insensible au chantage religieux. Dire que l'athéisme est une sorte de religion est aussi absurde que d'affirmer «L'abstinence est une sorte de drogue».

Alors que beaucoup de croyants sont prêts à rédiger un essai intitulé «Ce que je crois», mon site pourrait porter le sous-titre «Ce que je refuse de croire». Comme indiqué dans ma déclaration d'impôts, je n'ai «aucune religion».

En matière de croyances, l'humanité est malade de la maxime «Mieux vaut une religion que rien» à laquelle l'athée répond «Mieux vaut rien que n'importe quoi».

Pour certains croyants, il est inconcevable de «ne croire à rien». Afin de soigner leur dépendance à la foi religieuse, je leur propose une religion de substitution: Les Adeptes de Terminus (à utiliser avec discipline et précaution, comme la méthadone).

La croyance religieuse est-elle une croyance comme une autre ?

On peut répondre à cette question en effectuant un sondage et observant, par des méthodes statistiques, si l'intensité de la croyance religieuse peut être corrélée avec d'autres croyances telles que l'astrologie, la cartomancie, la chiromancie, la numérologie, les horoscopes, diverses superstitions, l'intervention d'esprits dans la vie quotidienne, la télépathie, la prémonition, les guérisons miraculeuses, le pouvoir des guérisseurs, celui des sourciers, l'homéopathie, etc. Mon hypothèse est que la corrélation est positive, c'est-à-dire qu'il existe des personnes globalement plus crédules que d'autres, autrement dit que la crédulité n'est que peu sélective. Je postule que l'attitude de crédulité consiste à voir le monde comme régi par des forces occultes ou magiques, en opposition à la posture rationnelle qui considère l'univers comme obéissant à des lois naturelles. Cependant, seule une véritable étude scientifique peut établir une telle conclusion.

Celui qui adopte une posture d’athée manifeste un orgueil hors norme

Que dire de celui qui croit que son Église est dépositaire de la Vérité absolue ? Que penser de celui qui se voit comme un élu entretenant un lien privilégié avec Dieu ? Peut-être ne s’agit-il pas d’orgueil mais de prétentions mégalomanes ? Le fond de l’inconscient étant opaque, ce genre de jugement est déplacé et ne peut pas être utilisé comme argument sérieux.

Rationalisme athée

Dans beaucoup de romans policiers, il y a un personnage qui explique les événements par l'action de forces surnaturelles. Mais, à la fin, c'est toujours l'inspecteur qui a raison, car il se fonde sur des arguments rationnels. Malheureusement, dans la société, les inspecteurs sont minoritaires.

Affirmer comme Pascal que «L'homme est un roseau pensant» est une erreur patente. Avant d'être rationnel, l'homme est d'abord un être émotionnel.

Le rationalisme n'est certainement pas une attitude spontanée. Il ne peut se développer qu'à partir d'une attitude critique mettant à nu les attaches affectives qui sont au fondement des religions.

«La doctrine du peuple élu est indubitablement un produit de la forme tribale de la société.»

Karl Popper, La Société ouverte et ses ennemis

C'est pourquoi un parallélisme peut être dressé entre

  • la décision d'adopter les droits humains en lieu et place de la morale religieuse de son environnement social;
  • la décision d'adopter le rationalisme athée en lieu et place de la religion de son environnement social.

Dans les deux cas, les mouvements sont les mêmes: des tripes vers le cerveau, d'un mode de penser tribal vers l'universalité et d'un état infantile avide de merveilleux et de surnaturel vers l'âge de raison.

L'athée n'est pas crédible.

J'ai entendu des croyants, en particulier deux enseignants retraités, soutenir les thèses suivantes :

  • Quelqu'un de sensé ne peut pas être sincèrement athée, car l'existence de Dieu est une évidence et il est impossible de ne croire à rien. L'athée ne peut donc que travestir ses pensées véritables, tromper et mentir.
  • On ne peut pas faire confiance à un athée. Il faut réserver sa confiance aux vrais croyants.

J'espère vivement que la sincérité qui se dégage de mon témoignage constitue un démenti à de telles «thèses». Être athée est une position raisonnable, défendable et honorable.

En tant qu'athée, vous faites ce que vous reprochez aux croyants, à savoir prêcher et tenter d'endoctriner.

Le mouvement que vous dénoncez va du propagandiste vers la population : publicité, démarchage, etc. En ce qui me concerne, c'est le contraire : ce sont les internautes qui recherchent des textes répondant à leurs interrogations. Je défends mon point de vue sur internet, il est vrai. Cependant, seuls ceux qui le désirent me lisent. Mon épouse est catholique, et j'ai toujours respecté sa foi. Je réfute que mon comportement soit prosélyte.

Je n'ai pas, comme le catholicisme, mis en place un système d'endoctrinement à l'échelle planétaire. Je me comporte mieux que l'école publique qui m'a soumis à un enseignement idéologique très marqué. Je me contente d'assurer ma défense personnelle. Je ne me situe pas au niveau de l'action, mais de la réaction, c'est-à-dire de la résistance. «Désendoctriner» n'est pas endoctriner ! Mon message principal est :

«Méfiez-vous des «prêts à penser» qu'on vous prie d'adopter. Ne capitulez pas devant des arguments d'autorité. Ne vous laissez pas dicter votre conduite. Prenez des avis à des sources variées. Soumettez les idéologies à la critique de la raison. Conservez votre autonomie intellectuelle.»

Il s'agit donc d'un discours pour lutter contre la propagande religieuse. Si vous rompez vos chaînes, ce n'est pas pour accepter un nouveau carcan ! L'athéisme est un chemin, pas un but. D'autres voies de libération existent: l'agnosticisme, le rationalisme, l'indifférence religieuse, l'anticléricalisme, etc. Sous cette forme atténuée et ouverte, il me paraît acceptable de militer contre le militantisme.

Laissons-nous inspirer par le mouvement des Lumières qui consiste essentiellement en

«la sortie de l'homme hors de l'état de tutelle dont il est lui-même responsable. L'état de tutelle est l'incapacité de se servir de son entendement sans la tutelle d'un autre.»
Was ist Aufklärung ? Emmanuel Kant, 1784

En prenant conscience qu'ils sont largement minoritaires, les athées ne devraient-ils pas apprendre à douter ?

Pour situer la question, 8 % des Suisses se déclarent athées, ce qui correspond à environ 650'000 personnes (en 2015). L'athéisme est devenu une attitude relativement courante.

Alors que la majorité de la population se positionne selon l'axe du coeur «Je déteste» / «J'aime», le rationaliste préfère l'axe du cerveau «Irrationnel» / «Rationnel». Il est clair que la première attitude paraît plus sympathique: le discours des athées est moins sexy que celui des prédicateurs religieux, capables de faire miroiter plus de promesses que des publicités mielleuses faisant appel aux rêves.
Malheureusement, même inspirée par l'Esprit saint, la majorité ne montre pas toujours le bon chemin. Contre l'avis de l’Église et de l'ensemble de la chrétienté, Galilée osa prétendre que la Terre n'est pas fixe et immobile au centre du monde. Renoncer à l'esprit critique et se laisser guider par l'Église est un choix douteux.
Dans le monde, les croyants sont majoritaires, mais les chrétiens sont minoritaires. Ces derniers vont-ils se mettre à douter ?

Les croix dans les espaces publics

La croix est, comme tous les instruments de torture, la honte de l'humanité. La croix est une version symbolique et épurée du crucifix qui représente le calvaire du Christ. Les croix disposées dans les espaces publics et sur les montagnes proclament le triomphe du christianisme et son règne sur la société. Certaines sont des «croix de mission», ce qui en dit long sur l'état d'esprit qui a présidé à leur érection. Pour moi, elles évoquent aussi le crucifix de la salle de classe devant lequel, enfant, je devais rabâcher le catéchisme. Que cette période soit révolue me procure du soulagement, mais pour quiconque a reçu une éducation chrétienne, la croix demeure un symbole indéracinablement religieux.

Aujourd'hui, la tendance est à alléger l'héritage chrétien d'une partie sa substance pour mieux faire accepter ce qu'il en reste. Faire passer la croix pour un symbole rassembleur ayant aussi une interprétation laïque - un homme tenant les bras ouverts - est un contresens historique. Le passé nous interroge, et nous dénaturons ses messages. Peut-être la croix deviendra-t-elle un jour un symbole laïque, mais l'annonce me paraît prématurée.

Les croix dans les espaces publics provoquent un malaise chez ceux qui ne se sentent pas liés à une religion établie. Elles doivent néanmoins être reçues comme un héritage culturel, et les accepter dans le paysage n'implique pas d'adhérer à une religion. Par contre, il me paraît plus problématique de défendre les croix avec ardeur, mais pas ce qu'elles représentent.

Les qualificatifs accolés à la croix ne sont pas sans conséquence. Si la croix est un symbole que chacun interprète à sa guise comme étant religieux ou laïque, alors les activistes chrétiens peuvent continuer d'ériger de nouvelles croix dans les espaces publics. Je pense en particulier à celle de taille ostentatoire située au bord de l'autoroute A12 à Châtel-Saint-Denis (Suisse). Cela va-t-il continuer ? Ça me dérange de passer sous une croix qui me dit «Je témoigne de la foi chrétienne de ce pays» alors que c'est ma terre et que je ne me sens pas chrétien. Les croyants n'adorent pas que Dieu: ils adorent aussi s'exprimer au nom de tous.

La société d'hier étant imprégnée de religion, les croix rassemblaient, tandis que les manifestations publiques de foi deviennent moins ostentatoires au fil de la déchristianisation de l'Europe occidentale. Les croix d'aujourd'hui divisent, en particulier celles que l'on veut accrocher dans chaque salle de classe. Étant donné la diversification des sentiments religieux, je m'oppose à l'érection de nouvelles croix. Les mouvements religieux ne devraient pas être autorisés à accaparer l'espace public, qu'il s'agisse de montagnes ou d'écoles. Puisque la croix est un symbole principalement religieux, en ériger une nouvelle est un acte partisan et déplacé.

Crucifix

La croix mortuaire

Je trouve de mauvais goût de placer les cérémonies funéraires sous l'omniprésence du crucifix. Une religion qui élève la souffrance au rang de modèle bascule dans une sorte de masochisme moral. Il est difficile de faire pire, à moins de représenter un empalement. J'ai peut-être tord de renoncer à une cérémonie catholique: rien que d'y penser pourrait me dissuader de mourir! Plus sérieusement, je ne veux pas de croix, ni sur mon cercueil, ni sur mon urne funéraire.

La lumière au bout du tunnel

Une nouvelle esthétique funéraire laïque reste à créer. Les croyants apprécient le symbole «La lumière au bout du tunnel».

Dissolution dans l'univers

Les athées lui préfèrent le symbole «La dissolution dans l'univers».

Je pronostique que vous retrouverez la foi à l'approche de la mort.

L'espérance religieuse est anxiogène et accablante,
voir Surmonter la peur de la mort.

La méditation

La pratique de la méditation permet, entre autres, de se détendre et de se déstresser. Ces effets sont expliqués par le ralentissement du métabolisme (coeur, poumons, cerveau). Un état de conscience de paix intérieure peut s'installer. Méditer consiste aussi à se débarrasser des croyances anxiogènes.

Pour éloigner les émotions négatives, des exercices classiques consistent à se concentrer sur son corps, typiquement sur sa respiration. Personnellement, il suffit de me concentrer sur un sujet émotionnellement neutre comme un problème de mathématiques ou d'informatique. Une préoccupation impersonnelle apaise les mouvements profonds de l'âme. N'en déplaise aux esprits religieux, le rationalisme possède une fonction spirituelle. L'Éveil consiste à prendre conscience de la vanité de la foi.

De même que le repos est indispensable à l'athlète mais ne peut pas être le composant principal de son entraînement, la pratique de la méditation est un facteur de bien-être mais ne peut pas être un but de vie.

Le karma bouddhiste

La réincarnation est très tendance : c'est une sorte de recyclage écologique des âmes.

Selon l'enseignement du Bouddha, mon état actuel (ma souffrance, ma joie, ma perception de l'univers, ma destinée, etc) est le résultat de mes actes passés. En particulier, mes souffrances s'expliquent par mes vies antérieures pleines d'émotions négatives. Mon futur est déterminé par la qualité, positive ou négative, de mes actes présents.

Au contraire, je pense ne disposer que d'une seule vie et crois que l'évolution de l'univers est gouvernée, non par les conséquences du respect de règles morales, mais par les lois naturelles de la physique.

Une inépuisable source d'inspiration

L'intelligence, c'est pas sorcier, il suffit de penser à une connerie et de dire l'inverse.
[Coluche]

On m'a demandé où je trouvais mes idées, quelle était l'origine de ce matériel qui forme la trame de mes textes. Je n'ai pas eu à aller les chercher, car elles se sont imposées à moi. Durant toute ma vie, j'ai été entouré de croyants qui m'ont submergé de visions chrétiennes mâtinées de philosophie néo-thomiste. En prenant le contre-pied de chaque thèse, j'ai fréquemment abouti à quelque chose de sensé.

Ce comportement absurde peut s'expliquer: le croyant parle d'amour pour masquer qu'il est gouverné par la peur, ce qui le prive de cerveau et l'amène à subordonner sa raison à la Doctrine.

Tartan et religion

Si nous devions choisir un tartan écossais, nous nous laisserions guider par nos couleurs favorites et nos goûts personnels. Un écossais ne pourrait pas procéder de la sorte, car il est de son devoir de porter le tartan de son clan et sept.

Ainsi en va-t-il souvent de la religion: les enfants adoptent celle de leurs parents. Afin de préserver l'harmonie des relations avec les proches, toute remise en question est à éviter.

En occident, la situation change parce que la pression sociale diminue. Actuellement, il devrait être admis que chacun peut renoncer à porter le "tartan" de sa famille, et même, peut ne porter aucun "tartan". Ce que perd le folklore est gagné par la liberté individuelle.

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