Dieu est-il bon? Troisième partie

Dieu sera-t-il bon dans l'au-delà ?

Marcel Délèze

Texte paru dans la Tribune des Athées 2023/3

Suite de l’article Dieu est-il bon avec les vivants ? paru dans le numéro précédent.

Dieu sera-t-il bon dans l'au-delà ?

[Mt 5 29] « Si ton œil droit est pour toi une occasion de péché, arrache-le et jette le loin de toi : il t'est plus avantageux de perdre un seul de tes membres que de voir tout ton corps jeté dans la géhenne. »

[Marc 9 43] « Et si ta main est pour toi une occasion de péché, coupe-la : mieux vaut pour toi entrer manchot dans la Vie que de t'en aller avec tes deux mains dans la géhenne, dans le feu qui ne s'éteint pas. »

Quelle sympathique ambiance, pleine de chaleur, de bonté et d'amour ! Et honni soit celui qui y verrait une justice implacable, vengeresse et barbare.

Dans le proverbe « Qui aime bien châtie bien », je vois moins l'expression d'une sagesse que la recherche d'une justification infondée à des pratiques douteuses.

« Je propose de comparer:

  • Barbe-Bleue: Je te remets toutes les clés du château et tu peux ouvrir toutes les portes, sauf celle-ci. Si tu désobéis, c’est la mort.
  • Yahvé : Je te donne tous les arbres de l’Éden et tu peux en goûter tous les fruits, sauf celui-ci. Si tu désobéis c’est la mort. »

Michel Bavaud, Petites réflexions d'un vieillard

Je comprends que le travail des théologiens soit difficile : ils sont situés devant une montagne d'absurdités avec pour mission de les réduire ou, tout au moins, de les contourner.

Dieu est-il paradoxal ?

Le péché originel

«Jardin d’Éden : irresponsabilité yehvahique. Ce Yehvah place au même endroit l’homme, la femme, les deux arbres interdits et un serpent tentateur. Soit il est stupide ou inconscient, soit il souhaite volontairement que survienne un accident. Que penser de parents qui laisserait seuls deux enfants dans un jardin avec de l’essence, des allumettes et un petit cousin pyromane ? Admettons que des parents soit humainement faillibles ou inconscients. Interrogeons-nous sur le sérieux d’un dieu humainement faillible ou inconscient ? Si Yehvah, prétendu omniscient, omnipotent et omniprésent n’est ni faillible ni inconscient, c’est que dans ce cas il est pervers et criminel. Il met tout en œuvre pour que mathématiquement se produise un accident fatal pour s’octroyer le droit de punir en sus.»
    Yaacov Levy

«Aberration conceptuelle et morale. La femme est accusée du « péché » originel pour avoir goûté au fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. De facto, elle ne connaissait pas le bien et le mal avant de goûter au fruit. Ipso facto elle était non-consciente du mal et ne pouvait faire mal. In extenso elle est innocente car non consciente. Certes responsable mais non coupable. A nouveau le dieu de miséricorde omniscient, omnipotent et omniprésent punit injustement un acte qu’il a lui-même provoqué. Par qui Yehvah va être puni pour mise en danger volontaire et iniquité ? Puisque devant n’importe quelle cour de justice, Ève serait innocenté et Yehvah condamné.»
    Yaacov Levy

Pour mettre la Rédemption en perspective, il ne faut pas perdre de vue qu'elle fait suite à la malédiction du péché originel par lequel les descendants d'Adam et Ève ont été condamnés avant même d'être nés. La Rédemption, dont l'effet essentiel est une levée de la punition pour certaine personnes, ressemble moins à un acte d'amour qu'à une correction partielle d'une injustice.

Si la Révélation a suivi un plan, celui-ci a été défaillant. Dieu se serait manifesté il a 2'000 ans. L'être humain (homo sapiens) existant depuis environ 300'000 ans, n'est-il pas étrange que Dieu ait laissé l'humanité macérer dans le brouillard pendant 298'00 ans ? Attendre si longtemps avant de lancer une opération de secours ne correspond pas du tout à l'idée que nous nous faisons, ni d'un sauveteur, ni d'un Sauveur. Son amour infini aurait-il eu une panne ?

De plus, comme en témoigne la multiplicité des religions, l'annonce de la Bonne Parole a été bâclée. Alors que la marque Coca-Cola est universellement connue et que chacun sait distinguer l'original de la copie, pourquoi Dieu n'a pas été capable d'en faire autant ? À supposer qu'on sache quelle est la « vraie foi », l'abandon de tant d'humains à l'erreur, l'ignorance ou l'incertitude tend à discréditer la thèse de l'origine divine de la Révélation. Dieu nous jugerait sur la base de « règles du jeu» dont seule une minorité d'êtres humains a été instruite. Certains sont nés plus loin du Paradis que d'autres, et le sentiment de justice peine à trouver son compte. On peut avoir le sentiment d'être contraint de participer à un jeu déloyal.

L'apparition du christianisme possède les caractéristiques et les imperfections d'une création humaine. À l'échelle de la planète, aucun message divin n'émerge du bruit de fond, sauf à considérer que Dieu soit aphone ou qu'Il nous invite à un jeu de devinettes. Discourir contre le relativisme religieux ne lève en rien l'objection. De plus, parmi les chrétiens, seule une minorité d'élus sera sauvée. La Rédemption se limiterait-elle à un canot de sauvetage étriqué, réservé à quelques privilégiés ?

Une autre invraisemblance tient en ceci : Dieu ne peut pas demander aux hommes de pardonner à leurs ennemis et, au mépris de la cohérence, menacer les pauvres pécheurs des pires châtiments. Peut-on accorder sa confiance à un Être qui semble agir selon le principe « Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais » ?

« D'abord, il faut désobéir. C'est le premier devoir quand l'ordre est menaçant et ne s'explique pas. »
    Maeterlinck, Ariane et Barbe-Bleue

L'explication de l'Église, le recours aux mystères, se contente de jeter un voile verbeux sur des incompatibilités qui discréditent la doctrine. C'est aussi se démunir de tout esprit critique au point de renoncer à faire usage de la raison.

Selon la logique, toute théorie contenant une contradiction interne permet de prouver n'importe quelle assertion, ainsi que l'assertion contraire. Une telle théorie n'est pas une explication rationnelle acceptable ; elle doit être corrigée ou abandonnée. La sérénité du cœur ne peut pas s'établir dans la confusion de l'esprit. Que Dieu soit ineffable est acceptable, mais Il ne saurait être absurde. Le croyant y voit, certes, un problème, mais, en toute inconséquence, pas de quoi mettre en doute ses convictions. La foi est confiance aveugle, ce qui montre que ce sentiment ignore la raison. Accepter de vivre dans des contradictions, c'est se condamner au malaise perpétuel. Pour se fier malgré tout à un Dieu bien réel, il faut fermer les yeux pour ne plus voir la misère, se boucher les oreilles pour ne plus entendre les plaintes, et beaucoup prier, à deux genoux, jusqu'à l'étourdissement !

Dieu est un mythe ou une force impersonnelle

L'homme est doué de raison. Malheureusement, cela ne signifie nullement qu'il soit gouverné par la raison car, le plus souvent, il met son intelligence au service de ses passions. Cependant, malgré des efforts spéculatifs séculaires, les théologiens ont échoué dans leurs tentatives de présenter une doctrine cohérente et ont dû recourir à l'expédient des mystères, ce qui montre que la foi est un amalgame hétéroclite, un bricolage inconsistant, dont nul esprit n'a pu trouver le liant. Asséner que le mal est le fruit de la liberté est manifestement incongru. Même si Dieu n'assume qu'une responsabilité indirecte, il serait insensé de soutenir qu'Il n'y est pour rien. Il n'est pas raisonnable de faire reposer la responsabilité ultime sur un être spirituel, doué de bonté et d'amour, qui suivrait un plan ténébreux. Au lieu de surmonter les paradoxes dont sont truffées les religions traditionnelles en mettant le bon sens en veilleuse et en se réfugiant dans l'irrationnel, je préfère abandonner les sus-dites religions. Suprême vanité de l'homme qui se prend pour « un élu », Dieu n'est ni bon, ni paradoxal, car mythique. La probabilité que « la vraie foi » se niche dans l'un des monothéismes est mince.

Dieu est bon comme Pégase est ailé

Sachant que notre cerveau a une propension naturelle de créer des mythes et de les faire évoluer, nous pouvons enrichir notre culture tout en ayant le recul de considérer les mythes pour ce qu'ils sont : des histoires merveilleuses, mais fictives. Dieu n'est que le miroir des préoccupations humaines. C'est la raison pour laquelle il varie selon les cultures et évolue au fil de l'histoire.

En première analyse, l'existence d'un Créateur est une question secondaire. Il nous importe davantage de savoir s'il est vrai que nous serions éternels et que notre bonheur post-mortem serait conditionné par notre pratique religieuse. C'est donc du Dieu qui juge, qui récompense et qui punit dont je doute sérieusement de l'existence.

Pour expliquer les incohérences, les catastrophes, les malheurs, les injustices et l'arbitraire, le hasard impersonnel de la nature est plus satisfaisant pour l'esprit. Dépourvue d'intention, la nature, qui mélange bonté et cruauté, possède de nombreuses qualités. Elle nous a conçu et nous en sommes une parcelle consciente. Nous pouvons donc la respecter et l'aimer comme notre mère et comme soi-même.

Comme nous n'avons trouvé aucun être surnaturel à qui faire endosser une partie de nos responsabilités, c'est donc à nous les hommes d'assumer les conséquences de nos décisions et le déroulement de notre histoire.

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