Les contours de l’athéisme

Extrait du livre :

Marcel Délèze
Résister à l'endoctrinement religieux
Essai

Les degrés d’athéisme

Certaines personnes se présentent comme « à peu près athées » parce qu'elles doutent de l'existence de Dieu. Mais non, cette position est celle de l'agnosticisme, pas de l'athéisme.

D'autres personnes se disent agnostiques, tout en faisant partie d'une Église et en participant à des cultes au-delà du simple respect des conventions sociales. Il s'agit là d'un état intermédiaire entre la croyance et l'agnosticisme véritable.

Beaucoup de personnes sont incapables définir leurs croyances d'une manière cohérente. La majorité se distribue sur un large éventail de positions intermédiaires mal définies. En naviguant de doutes en hésitations, l'on passe aisément d'un contresens à une contradiction. C'est l’état ordinaire de ceux qui ont été enfumés.

Étant donné qu’il existe plusieurs variantes d’athéisme, il est nécessaire de préciser les sens du terme qui s’échelonnent sur trois degrés :

  • Au sens large, l’athée ne croit pas au dieu qui juge, c’est-à-dire qu’il rejette la séquence de croyances « L’être humain possède une forme de survie ; à sa mort, il est jugé, puis récompensé ou puni ». Ainsi, si quelque chose de nous survit après la mort, ce qui n'est pas établi, il n'y a pas lieu de croire qu’un Juge nous attribue des bons et mauvais points pour nous récompenser ou nous punir dans l'au-delà. Le refus de la croyance en un dieu qui juge permet de ne pas se prononcer sur l’existence d’un dieu créateur, peut être compatible avec le panthéisme et peut accepter une forme de survie dans l’au-delà. Par contre, il disqualifie la morale de rétribution. De ce fait, il exclut aussi les religions qui, sans parler de dieu, annoncent des réincarnations, avec ou sans cycles, qui dépendent du comportement moral.
  • Au sens classique, l’athée refuse la croyance en tout dieu.
  • Dans un sens plus fort, l'athée refuse la croyance à toute forme de survie après la mort, ce qui simplifie grandement beaucoup de questions philosophiques. En effet, si tout s’arrête à la mort, la question de l’existence de dieu est sans conséquence et n’a qu’un intérêt théorique et limité.

L'athéisme n’est pas semblable à une croyance religieuse

Il ne faut pas confondre « Croire que Dieu n'existe pas » et « Ne pas croire qu'un dieu existe ». L'athéisme consiste simplement à considérer comme infondée toute croyance à une ou plusieurs divinités. Il faut d'abord se mettre d'accord sur le sens des mots. Une force créatrice intéresse les philosophes, mais beaucoup moins les simples mortels. Le Dieu dont nous parlons ici soupèserait nos actes, les enregistrerait dans son infinie mémoire, nous jugerait, se laisserait influencer par des cérémonies ou des prières et nous sanctionnerait selon la juridiction de nos religions respectives. Dans une autre culture, mais dans le même registre, après une réincarnation, la forme du nouveau corps (végétal, animal ou humain) dépendrait de notre mérite.

À contrario, certains athées croient en un Dieu créateur qui ne nous juge pas. Ils pensent que les attributs du Dieu de la Bible ont été imaginés par l'homme à l'image des rois. Notre comportement n'ayant aucune conséquence dans l'au-delà, nous pouvons complètement ignorer Dieu. Au-delà de la physique, on peut imaginer tout ce que l'on veut. L'athée ne nie pas nécessairement l'existence de Dieu mais, dans toutes les variantes, il range définitivement toute divinité dans les oubliettes. En résumé, l'athée est « celui qui vit sans dieu ».

Il ne s'agit pas d'établir que Dieu n'existe pas, mais seulement que la probabilité de l'existence d'un Dieu personnel est trop faible pour qu'il y ait un intérêt à s'investir en religion, et plus faible encore pour un Dieu qui nous aurait dicté des prescriptions. Les éventualités qu'on ne peut exclure par une preuve sont si nombreuses et variées qu'on ne peut raisonnablement pas miser sur l'une d'elles. Le rasoir d’Ockham les écarte toutes.

L'athéisme est aussi la conviction que personne - aucune force supérieure consciente et pleine de compassion - ne s'occupe de nous. Au pari de Pascal, le jeu ne vaut pas la chandelle. L'athée renonce à miser et s'éloigne de la table de jeu des croyances. Il juge plus utile et plus constructif d'investir son temps et son énergie dans le domaine laïque. La sagesse consiste à se détacher des utopies, c'est-à-dire à pratiquer l'indifférence religieuse.

Il est incongru d'assimiler l'athéisme à une religion. Entre l'incroyance et un système de croyances, la dissymétrie est totale. L'athéisme est une conviction extrêmement compacte puisqu'elle se réduit à dire non à la religion. Cela n'a pas grand chose à voir avec une religion dont la description nécessite au moins un livre et, plus habituellement, toute une bibliothèque. La croyance nécessite un credo, et l'athéisme n'en a pas. Là où le croyant affirme que son Dieu est le vrai et que les autres sont des usurpateurs, l'athée ne voit partout que des illusions. L'athée n'appartient pas à une Église, c'est-à-dire à une communauté spirituelle guidée par des pasteurs ou des chefs. Il se conçoit comme un être indépendant et autonome.

Pour user des termes « foi » et « croyance » à propos de l'athéisme, il faut d'abord avoir vidé ces mots de leur contenu religieux. Malheureusement, ceux qui les utilisent en sont souvent incapables. C'est pourquoi il est préférable de parler de « convictions athées ». Alors que le croyant a pour but de croire le plus fermement possible, l'athée veut renforcer son opinion qu'il faut cesser de croire.

L'athée n'a pas la prétention de détenir la vérité absolue directement dictée par Dieu lui-même. Il se satisfait des modestes lumières de la raison humaine. L'athéisme est, avec l'indifférence religieuse, un moyen de nous soustraire à l'impérialisme des religions qui prétendent dicter, non seulement notre comportement, mais aussi nos pensées. Alors que le fidèle se soumet aux commandements de sa religion pour éviter l'Enfer et atteindre le paradis, l'athée demeure insensible au chantage religieux. Dire que l'athéisme est une sorte de religion est aussi absurde que d'affirmer « L'abstinence est une sorte de drogue ».

En matière de croyances, l'humanité est malade de la maxime « Mieux vaut une religion que rien » à laquelle l'athée répond « Mieux vaut rien que n'importe quoi ». Pour certains croyants, il est inconcevable de ne croire à rien. Afin de soigner leur dépendance à la foi religieuse, une religion de substitution leur sera proposée à la fin de la troisième partie : Les Adeptes de Terminus.

La crédulité

Pour déterminer si la croyance religieuse est une croyance comme une autre, il faudrait réaliser un sondage et observer, par des méthodes statistiques, si la croyance religieuse peut être corrélée avec d'autres croyances telles que l'astrologie, la cartomancie, la chiromancie, la numérologie, les horoscopes, diverses superstitions, l'intervention d'esprits dans la vie quotidienne, la télépathie, la prémonition, les guérisons miraculeuses, le pouvoir des guérisseurs, celui des sourciers, l'homéopathie, etc. L'attitude de crédulité consiste à voir le monde comme régi par des forces occultes ou magiques, par opposition à la posture rationnelle selon laquelle l'univers obéit à des lois naturelles.

L’hypothèse la plus vraisemblable est que la corrélation soit positive, c'est-à-dire qu'il existe des personnes globalement plus crédules que d'autres. Autrement dit, la crédulité n'est que peu sélective. Cependant, seule une véritable étude scientifique peut établir une telle conclusion.

Le « credo » athée, c’est l’esprit critique

Méfiez-vous des prêts à penser qu'on vous prie d'adopter. Ne capitulez pas devant des arguments d'autorité. Ne vous laissez pas dicter votre conduite. Prenez des avis à des sources variées. Soumettez les idéologies à la critique de la raison. Conservez votre autonomie intellectuelle.

«La sortie de l'homme hors de l'état de tutelle dont il est lui-même responsable.
L'état de tutelle est l'incapacité de se servir de son entendement sans la tutelle d'un autre.
»
Emmanuel Kant, Was ist Aufklärung ? 1784

L’orgueil du croyant

On reproche parfois à l’athée de vouloir tout juger par lui-même, de se passer de toute autorité religieuse, ce qui montrerait qu’il est plein d’orgueil. Que dire de celui qui croit que son Église est dépositaire de la Vérité absolue ? Que penser de celui qui se voit comme un élu entretenant un lien privilégié avec Dieu ? Peut-être ne s’agit-il pas seulement d’orgueil, mais de prétentions mégalomanes ?

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