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Révocation du juge divin

Extraits du site "Résister à l'endoctrinement religieux"

Pour être prise en considération, une idéologie, qu’elle soit religieuse ou non, doit satisfaire au moins les trois conditions suivantes : être en accord avec les faits établis, être cohérente et respecter les Droits humains.

Quoique le présent texte s’appuie sur le christianisme, le propos s’étend, moyennant quelques adaptations, à toutes les religions du Dieu unique.

1. La Révélation est contraire aux faits

Qu’il s’agisse de l’histoire de l’univers, de la terre, de la vie et de l’homme, la Genèse est en nette contradiction avec les faits. Mais il y a pire.

Dieu nous aurait envoyé un Sauveur il a 2000 ans. Or l’homme, plus précisément Homo sapiens, existe depuis environ 300 000 ans. Pourquoi Dieu a-t-il laissé l’humanité macérer dans l’ignorance et l’erreur pendant 298 000 ans ? Attendre si longtemps avant de lancer une opération de secours ne correspond pas à l’idée que nous nous faisons d’un Sauveur, ce qui rend le récit de la Rédemption douteux et peu crédible.

Aujourd’hui, un tiers de la population mondiale se rattache au christianisme à des degrés divers. Pour une intervention divine aussi majeure que la venue du Christ, après 2000 ans d’efforts intenses comprenant des croisades, l’Inquisition, la traite des Noirs, la colonisation et d’innombrables conversions de force, le résultat est décevant.

Le croyant se demande pourquoi les deux tiers de l’humanité ont été abandonnés à l’ignorance ou à l’erreur. De plus, les chrétiens sont divisés, sans parler du degré de foi de chacun. La Providence et le marketing céleste sont à la peine. Dans la cacophonie des croyances, aucune religion ne prend l’ascendant ni ne parvient à s’imposer par l’évidence de son ancrage divin.

Cependant, au lieu de juger qu’il s’agit d’un ratage partiel ou de mettre en doute la sollicitude divine, je considère la révélation comme une fable d’origine humaine, ce qui explique l’impossible établissement d’une foi unique.

Que la Bible se situe sur un autre terrain que les sciences n’est pas une excuse recevable pour mettre des contre-vérités dans la bouche de Dieu. Aussi, tout cela montre qu’il s’agit d’un simple mythe.

2. La Bible est pleine de contradictions internes

Pour l’exigence de cohérence interne, le christianisme contient des contradictions majeures.

Certains avatars de l’adage «Qui aime bien châtie bien» sont flamboyants.

Les Églises dressent l’apologie de l’amour de Dieu sans insister comme autrefois sur l'intimidation qui l'accompagne :

[Matthieu 13 41-42] «Le Fils de l'homme enverra ses anges, qui ramasseront de son Royaume tous les scandales et tous les fauteurs d'iniquité, et les jetteront dans la fournaise ardente: là seront les pleurs et les grincements de dents.»

Les croyants retiennent leur souffle, mais trouvent juste que Dieu recoure à des tourments éternels. On se serait attendu à une justice plus soucieuse de proportionnalité, car, sur terre, même infligée par les pires sadiques, toute peine a une fin. De plus, la justice qui respecte les Droits humains ne recourt pas à la torture punitive.

Quel saisissant contraste avec le message de pardon:

[Matthieu 5 44] «Eh bien ! moi je vous dis : Aimez vos ennemis, priez pour vos persécuteurs» !

Malheureusement, toute démarche qui relève du principe «Fais ce que je dis, mais pas ce que je fais» peine à convaincre.

Voilà une contradiction interne dont l’énormité discrédite gravement la Bible et montre clairement l’impossibilité logique que la doctrine chrétienne du Jugement dernier soit Vérité.

Plus de circonspection devrait se manifester face aux idées reçues. On sait qu’il circule beaucoup d’histoires imaginaires et absurdes. L’Enfer en est une, et imbuvable de surcroît. L’appétence pour la foi doit être bridée par la nécessité de la cohérence.

D’autres incohérences peuvent être signalées, comme le verset homophobe «Le Lévitique 20,13». On ne peut pas attribuer à Dieu la volonté de donner des tendances homosexuelles irrépressibles à une partie de la population et, en même temps, de les condamner aussi violemment.

Pour le croyant, les contradictions se dissolvent en un mystère qui suscite l'émerveillement spirituel, voire le mysticisme. Mais, pour celui dont la raison est active et l'esprit critique éveillé, les contradictions constituent une preuve de l'absurdité et de la vacuité du discours religieux.

3. Pour l’Église, le respect des Droits humains est lacunaire

Pour la troisième exigence, l’Église catholique a condamné les droits de l’Homme jusqu’au Concile de Vatican II en 1965. Si elle dit aujourd’hui accepter les Droits humains, elle n’en respecte pas l’esprit. Actuellement, elle refuse aux femmes une égalité étendue jusqu’aux fonctions sacerdotales. Et c’était encore pire dans le passé.

Dans l'Église chrétienne originelle, selon la doctrine de Saint Paul, l'esclavage était accepté comme une pratique naturelle et légitime, mais un chrétien ne devait pas tenir en esclavage un autre chrétien. Plus tard, l'Église a condamné l'esclavage des indiens d'Amérique. Mais son attitude envers la traite des noirs, initialement organisée par les portugais à partir de 1441, a été moins glorieuse : une série de bulles papales l'approuve et l'encourage :

  • 1442 Illius qui (Eugène IV) entérine les conquêtes du prince Henri le navigateur en Afrique.
  • 1452 Dum diversas (Nicolas V) donne au roi du Portugal toute latitude pour soumettre les Sarrasins, païens et autres incroyants, voire les réduire à un esclavage perpétuel.
  • 1455 Romanus Pontifex (Nicolas V) encourage Henri le Navigateur à soumettre au christianisme, éventuellement par la force, les «sarrasins et autres infidèles», compte sur les progrès des conquêtes pour obtenir des conversions, donne son approbation au monopole commercial des Portugais en Afrique, et espère que les populations naturelles soient bientôt converties au christianisme.
  • 1456 Inter cætera (Calixte III = Alfonso Borgia) affirme que l'administration des nouvelles possessions portugaises et leurs intérêts doivent être confiés à l'ordre du Christ, la confrérie d’Henri le navigateur ; il autorise à asservir les infidèles, c'est-à-dire légitime l'esclavage des noirs.
  • 1481 Aeterni regis (Sixte IV) accorde les terres conquises en Afrique au Roi du Portugal.

Une justification théologique a été avancée, dans laquelle les enfants de Canaan sont assimilés aux noirs :

[Gn 9 25-27] «Maudit soit Canaan ! Qu'il soit pour ses frères le dernier des esclaves ! Il dit aussi : Béni soit Yahvé, le Dieu de Sem, et que Canaan soit son esclave ! Que Dieu mette Japhet au large, qu'il habite dans les tentes de Sem, et que Canaan soit son esclave !».

Le théologien français Bellon de Saint-Quentin, dans sa Dissertation sur la traite et le commerce des Nègres de 1740, écrit «On peut licitement avoir des esclaves et s'en servir ; cette possession et ce service ne sont ni contraires à la loi naturelle, ni à la loi divine écrite, ni même à la loi de l'Évangile». Osera-t-on affirmer que l’Église réalise un plan divin ?

Le servage est un statut différent, mais traité d'une semblable manière. Malgré la campagne menée par Voltaire, les derniers serfs de France furent ceux de l'abbaye de Saint-Claude (Jura) qui demeurèrent dans leur condition jusqu'à la Révolution de 1789.

Qui a encouragé des régressions morales ne peut détenir la vérité.

Le Dieu de la carotte et du bâton

Alors qu’une seule condition préalable suffirait au rejet d’une idéologie religieuse, aucune des trois conditions n’est remplie. Forçons-nous néanmoins à une analyse globale de sa substance.

En demandant «Croyez-vous en Dieu ?», peut-être pensez-vous avoir posé la question la plus fondamentale. Mais il n’en est rien, car, même en supposant une forme survie de l'âme, un Dieu qui ne nous jugerait pas et ne distribuerait ni récompense, ni punition, ne nous créerait pas de souci.

La foi se bâtit sur la croyance qu’un Juge suprême soupèse nos actions, nous récompense ou nous punit. Sur terre, un père qui dirait «Si tu es sage, je te prendrais dans mes bras et t’aimerais toujours ; par contre, si tu désobéis, je te rejette et tu iras habiter chez le méchant ogre qui fait souffrir» serait qualifié d’indigne. En transformant un conte de ce genre en décret divin, les religions s’adonnent au chantage moral. Le croyant vit entre l’inquiétude du Jugement et l’espoir d’une rétribution. Cependant, comme le purgatoire et l’Enfer sont des issues possibles, «espérer» consiste surtout à surmonter l’angoisse. La religion dramatise puissamment la vie et la mort, mais je ne crois pas au Dieu de la carotte et du bâton.

L’interrogation fondamentale est «Y a-t-il une vie après la mort ?». À l’aune des connaissances établies, la réponse est clairement non, car la mort de tout être vivant est définitive. Dès lors, avec ou sans foi en Dieu, s’évanouit la menace du Jugement.

J'apprécie beaucoup que la vie ne soit ni un examen, ni une période probatoire, ni une épreuve de sélection avec des gagnants et des perdants dans l’au-delà. L’existence ainsi dédramatisée peut s’envisager avec moins d’inquiétudes, plus de légèreté, et surtout sans trembler. Mais cette tranquillité d’esprit est inaccessible à ceux qui se croient immortels.

Chacun trouve son plaisir là où l'emmènent ses aspirations : l'abandon à la confiance dans la foi ou le renoncement argumenté aux théories manifestement erronées.

Cet article a été publié par la presse papier dans

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