Les croix dans les espaces publicsExtrait du livre : Marcel Délèze
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Le crucifixTout en présentant la mort sur la croix comme un suprême acte d’amour, le christianisme prétend aussi que ce sont les péchés des hommes qui sont responsables du supplice. Une religion qui, sans cesse, évoque la souffrance et rappelle la culpabilité bascule dans une sorte de masochisme moral. Il est difficile de faire pire, à moins de représenter un empalement et de nous en accuser. La croix qui proclame le triomphe du christianismeLa croix est une version symbolique et épurée du crucifix qui représente le calvaire du Christ. Comme tous les instruments de torture, elle est la honte de l'humanité. Les croix disposées dans les espaces publics et sur les montagnes proclament le triomphe du christianisme et son règne sur la société. Certaines sont des « croix de mission », ce qui en dit long sur l'état d'esprit qui a présidé à leur érection. Elles évoquent aussi le crucifix de la salle de classe devant lequel les élèves d’antan devaient rabâcher le catéchisme. C’est un soulagement que cette période soit révolue, mais pour qui a reçu une éducation chrétienne, la croix demeure un symbole religieux indéracinable. La tentative de laïciser la croix pour la faire accepter par tousAujourd'hui, la tendance est à alléger l'héritage chrétien d'une partie sa substance pour mieux faire accepter ce qu'il en reste. Faire passer la croix pour un symbole rassembleur ayant aussi une interprétation laïque - un homme tenant les bras ouverts - est un contresens historique. Le passé nous parle, et nous dénaturons ses messages. Un symbole religieux si fortement ancré ne changera pas de sitôt de signification. Il est prématuré d’annoncer que la croix est un symbole laïque et on peut douter qu’elle le devienne un jour. La croix qui diviseLes croix dans les espaces publics, à la manière d’une publicité non désirée, provoquent un malaise chez ceux qui ne se sentent pas liés au christianisme. On peut cependant accepter en héritage celles qui font partie du patrimoine culturel. Dans la société d'antan qui était très croyante, les croix rassemblaient. Au fil de la déchristianisation de l'Europe occidentale, les manifestations publiques de foi devenant moins ostentatoires, les croix qui subsistent aujourd'hui divisent, surtout lorsque ce sont des crucifix. On en voit encore dans des salles de classe, dans des bâtiments officiels comme les tribunaux ou dans la salle du Grand Conseil fribourgeois. Elles devraient être retirées. Les nouvelles croixLes qualificatifs accolés à la croix ne sont pas sans conséquence. Si la croix est un symbole que chacun interprète à sa guise, alors les activistes chrétiens peuvent continuer à en ériger de nouvelles dans les espaces publics, par exemple celle de taille ostentatoire au bord de l’autoroute A12 près de Châtel-Saint-Denis (Fribourg, Suisse). Pour celui qui n’est pas chrétien, il est dérangeant de passer sous une croix qui dit « Je témoigne de la foi chrétienne de ce pays ». Les croyants n'adorent pas que Dieu : ils adorent aussi s'exprimer au nom de tous. On ne peut pas défendre les croix avec ardeur sans proclamer ce qu’elles représentent. Un État démocratique ne peut pas être chrétien, car il doit être religieusement neutre et ouvert à toutes les personnes, qu’elles aient une religion ou non. Étant donné la diversification des sentiments religieux, l'érection de nouvelles croix est acte partisan et déplacé. Les mouvements religieux ne devraient pas être autorisés à accaparer l'espace public, qu'il s'agisse de montagnes, de bords de routes, d'écoles ou de bâtiments officiels. Puisque la croix est un symbole religieux, en ériger de nouvelles est inacceptable. |
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